QUAND ERIC RAOULT MENACE LA LIBERTE D’EXPRESSION

Publié le par MODEM Martinique

 Otilia Ferreira, le 12/11/09

 

            L’UMP vient de nouveau de s’illustrer dans sa recherche, désormais constante, d’enterrer les valeurs fondatrices de la République Française. La dernière visée est la liberté d’expression artistique, secteur littérature.

 

            Le 09 octobre 2009, le Prix Nobel de la Paix fut attribué à Barack Obama, noir.

            Le 09 novembre 2009, le Prix Goncourt fut attribué à l’écrivaine Marie Ndiaye, noire.

 

            Marie Ndiaye est née à Pithiviers, en région parisienne en 1967, d’un couple mixte. Son père, sénégalais, abandonna femme et enfants alors que Marie était âgée de un an et il ne s’en est jamais occupé. Marie publie son premier roman à  dix-huit ans. Elle a reçu le Prix Femina en 2001, puis le Prix Goncourt.

Monsieur Eric Raoult est né en 1955. Diplômé de l’Institut Français de la Presse, il devient adjoint au maire du Raincy (93) en 1983. Il fut successivement et conjointement maire puis député-maire de cette ville. Il a été ministre du gouvernement Juppé de mai 1995 à juin 1997, d’abord Ministre chargé de l’Intégration et de la Lutte contre l’Exclusion  puis Ministre Délégué auprès du ministre de l’Aménagement du Territoire, de la Ville et de l’Intégration. Il est actuellement député-maire du Raincy et vice président de l’Assemblée Nationale .

 

Monsieur Eric Raoult a salué le prix obtenu par Marie Ndiaye en lançant une polémique, s’appuyant sur une interview donnée par elle au journal les Inrockuptibles en août 2009, où elle s’explique sur les raisons qui l’ont fait s’installer à Berlin en 2007 : « …juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy…je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité…Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux . Je trouve cette France-là monstrueuse. »

Le vaillant soldat Raoult, du haut de ses trente cinq ans d’activité politique (entré à l’UDR, ancêtre du RPR, en 1974) attaque ces propos avec virulence et…trois mois de retard : « Ces propos d’une rare violence sont peu respectueux, voire insultants, à l’égard de ministres de la République et plus encore du chef de l’Etat. Le droit d’expression ne peut devenir un droit à l’insulte ou un règlement de compte personnel. », exigeant des lauréats du prix Goncourt un  ….devoir de réserve (qui ne s’applique qu’aux fonctionnaires !!!!!) et ici à appliquer de manière anticipée !!!!!

 

L’Académie Française est une structure privée, indépendante. Bernard Pivot, au nom des jurés du Goncourt 2009 (Françoise Chandernagor, Tahar Ben Jelloul, Patrick Rambaud, Michel Tournier, Edmonde Charles-Roux, Robert Sabatier, Jorge Semprun, Françoise Mallet Joris, Didier Decoin, Bernard Pivot), rappelle que le devoir de réserve n’existe pour aucun prix littéraire.

 

Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture avait clamé, lors de l’affaire Polanski : « C’est la place d’un ministre de la Culture de défendre les artistes en France. Un point, c’est tout ! » …..mais il a dû oublier cette tirade puisque, appelé par Eric Raoult et par Marie Ndiaye à se positionner, il commente, laconique : « Je n’ai pas à arbitrer entre une personne privée qui dit ce qu’elle veut dire et un parlementaire qui dit ce qu’il a sur le cœur…ça me regarde en tant que citoyen, cela ne me concerne pas en tant  que ministre. », et courageux, conclut : « Je ne veux pas entrer dans cette polémique »

 

 

Et si on se donnait la peine d’analyser cette histoire ?

Il faut reprendre les différentes données de monsieur Raoult :

·        Il est le premier à décréter le couvre-feu pour le Raincy, pourtant épargnée par les émeutes de la banlieue à l’automne 2005, avant même que le premier ministre ne décide l’état d’urgence

·        Il soutient à l’Assemblée Nationale un amendement cherchant à rétablir la peine de mort sous certaines conditions

·        Il est fermement opposé à l’homoparentalité

·        Membre du groupe parlementaire d’amitié franco-tunisienne il justifie le régime tunisien et stigmatise « certains journalistes français (ayant) une attitude de sectarisme à l’égard du régime tunisien de Ben Ali »  ainsi que Reporters sans Frontières,  fin octobre 2009

·        Il est désigné rapporteur de la mission parlementaire sur le voile intégral mise en place par l’Assemblée Nationale début juillet 2009.

 

 

Monsieur Eric Raoult tente possiblement, en lançant une bombe qui tend à museler la liberté d’expression, de reconquérir un poste ministériel lors du prochain remaniement prévu après les régionales (douze ans déjà, de pouvoir RPR puis UMP, et aucun mandat…..comme dirait Chirac : «  P…c’est long !!!!! » Il a compris combien les choix de l’autre Eric (le Besson) plaisent au grand Nicolas. Il a le premier tâté aux problèmes de l’intégration. Entre intégration et identité nationale il ne doit pas y avoir grande différence. Et puis, il y travaille, actuellement, via la mission parlementaire confiée cet été ! Il a donc toute légitimité à faire parler de lui sur le plan médiatique pour prétendre à une nomination…Nicolas Sarkozy et lui se sont rencontrés en 1978 lors de leur service militaire. Leurs convergences idéologiques pourraient s’écrire d’une plume partagée, complice et vissée en 2010 !

 

Dans l’état sarkozyste qui fait fi de l’indépendance médiatique, de l’indépendance judiciaire, de l’indépendance du Parlement, de l’indépendance du monde économique, de l’existence d’un gouvernement, écrire une nouvelle option qui dicte la bonne pensée aux productions artistiques apparaît novatrice.

 

Quel rêve que celui d’avoir des auteurs, des chanteurs, des peintres, des cinéastes, dévoués, contenus, asservis, validant les choix du Roi !!! Cela s’appelle l’art officiel. Il persiste encore de nombreux  pays, loin de la démocratie, qui enferment ainsi l’expression artistique. L’Académie Goncourt accorde le Prix Goncourt à un écrivain parce qu’il a du talent, pas parce qu’il est obséquieux.

 

Refusons à monsieur Raoult le droit de supprimer la liberté d’expression. Interdisons à quiconque la possibilité de s’y engouffrer (pour le cas où il s’agirait là d’une bombinette pour tester l’opinion, l’air de rien…)

 

Exigeons que monsieur Raoult, qui a enfreint les valeurs républicaines, quitte sa fonction. S’il ne le fait pas, faisons un raout citoyen pour qu’il ne soit plus jamais réélu.

 

Revendiquons le droit de penser, le droit de dire, le droit d’écrire, en toute liberté.

 

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