François Bayrou dit Non à la collectivité unique : « Les Martiniquais ne sont pas des citoyens de seconde zone! » (F.A. du 16/01/2010)

Publié le par MODEM Martinique

Gabriel GALLION France-Antilles Martinique 16.01.2010

François Bayrou sera ce soir en meeting pour soutenir le Non à la collectivité unique dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. Une opposition qu'il justifie par la similitude existant entre la question posée le 24 janvier prochain et celle du 7 décembre 2003, à laquelle il s'était également opposé.
Vous venez soutenir le Non à la création d'une collectivité unique dans le cadre de l'article 73. Estimez-vous comme en 2003, qu'il y a un piège à dire Oui ?
Je me suis engagé en 2003 aux côtés des Martiniquais, et j'étais le seul élu national à le faire. Je le fais aujourd'hui de la même façon, car le piège est le même. On ne peut demander aux électeurs de voter pour quelque chose dont ils ignorent comment elle sera mise en place. C'est signer un chèque en blanc. C'est prendre les Martiniquais pour des citoyens de seconde zone. Selon la manière dont cette assemblée sera composée, vous aurez une absence de recours de la minorité. Je m'explique : sans connaître le mode d'élection, il y a un risque d'avoir une majorité qui sera seule à décider. Et à ceux qui vont rétorquer que c'est ce système qui dirige l'élection des conseils municipaux et régionaux, je réponds d'avance que la minorité siège au sein des assemblées délibérantes de ces collectivités.

Mais il ne s'agit pas que la mise en place d'une assemblée ?
En effet. Il devrait avoir une réforme des collectivités au niveau national. Je ne comprends pas pourquoi les Martiniquais et les Guyanais seraient exclus de cette réforme. Mettre à part Martinique et Guyane, cela veut dire, là encore, que l'on signe un chèque en blanc. Je respecte beaucoup les hommes politiques qui parlent de responsabilisation des Antilles. Je crois qu'ils ont raison et qu'elle est dans l'ordre des choses. Mais dès lors que l'on n'indique pas la loi électorale, que l'on ne précise pas la règle d'élection de l'assemblée de cette collectivité unique, je dis que c'est déresponsabiliser, ce n'est pas responsabiliser.

Vous n'ignorez pas que Guy Carcassonne, professeur de droit public réputé, estime plus rationnel la mise en place d'une collectivité unique, en lieu en place de la réforme Balladur ?
Je ne m'adresse pas aux constitutionnalistes, mais aux citoyens Martiniquais. Je suis le premier à en avoir parlé. J'ai développé ma vision dans mon programme présidentiel de 2002. C'est une idée que je comprends très bien, à condition que l'on ait la garantie que les minorités sont représentées et que personne ne pourra exercer le pouvoir absolu à la tête de cette assemblée unique. Quel serait alors le recours des citoyens si l'exécutif ne les écoute pas ? Je remarque le gouffre qui s'est creusé entre les citoyens et les élus en regardant les résultats de la consultation du 10 janvier. Je suis sûr que les élus sont de bonne foi, mais ils veulent conduire les électeurs là où ces derniers ne veulent pas aller. Ma certitude est que les Antillais et les Guyanais ont une revendication simple : être considérés comme des citoyens de plein exercice. Je peux admettre que l'on ajoute à l'application des lois et règlements de la République des responsabilités particulières en raison de la distance et de la zone géographique où l'on se trouve : cela est très bien et naturel. Mais il ne faut pas que cela aboutisse à faire des citoyens d'Outre-mer des citoyens à part dans la République. Et c'est parce qu'ils ont remarqué que l'on voulait les amener à quelque chose qu'ils ne voulaient pas, que l'on a obtenu le résultat de décembre 2003 et surtout celui de dimanche dernier.

Autrement dit, votre opposition de fond porte sur les modalités de mise en place de l'assemblée ?
Le slogan de 2003 « chat an sak » est éloquent à ce niveau. Dimanche prochain c'est à peu près la même chose : on demande aux électeurs de signer un chèque en blanc. On a vu que les élus qui détiennent une immense majorité ont été désavoués par les électeurs. Cela me donne à penser encore plus fortement, que si vous n'avez pas une représentation de la minorité dans l'assemblée, vous avez un pouvoir absolu et encore plus absolu parce qu'il sera seul. En conséquence : demander une collectivité unique sans donner la garantie d'une représentation honnête, c'est à coup sûr aller vers un déséquilibre du pouvoir.

Mais pour la Métropole, les choses paraissent différentes...
On aura la même situation en Métropole, car nous ne connaissons pas la loi électorale qui installera le conseil territorial, comme le stipule le rapport de la commission Balladur. Vous n'aurez qu'une assemblée et un danger terrible d'absolutisme si vous n'avez pas de recours possible pour les minorités.

Et l'argument d'économie des finances publiques avancé par le gouvernement ?
Cet argument est un leurre. Je pense qu'il n'y aura pas plus d'économie, que cela coûtera exactement la même chose.
Il peut y avoir, en revanche, une rationalisation des coûts. Mais j'estime que lorsque l'on crée une assemblée unique on a le devoir impérieux de dire aux citoyens comment elle va être élue. Autrement, vous conduisez à une situation où la voix des minoritaires n'est jamais entendue. Or, on a vu dimanche dernier que les minoritaires pourraient être majoritaires.

Si vous n'aviez qu'un mot pour faire pencher la balance en votre faveur. Quel serait-il ?
On n'a pas le droit de considérer les électeurs Martiniquais et Guyanais comme des citoyens de seconde zone. Ils veulent être des citoyens français de plein exercice.
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